Le projet de suppression du juge d'instruction
Auteur : BOSC-BERTOU Valérie
Publié le :
05/08/2009
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L’institution de la Commission Leger vise à repenser la procédure pénale. Un des objectifs primordiaux de la réforme de la procédure pénale est la suppression du juge d’instruction.
La réforme de la procédure pénaleC’est le 14 octobre 2008 qu’ a été institué sous l’impulsion de Madame Rachida DATI, alors Ministre de la Justice, un Comité dit de réflexion sur les codes pénal et de procédure pénale, plus couramment connu sous la dénomination de Commission LEGER, du nom de l’Avocat Général Monsieur Philippe LEGER qui la préside, aux fins de mener une réflexion sur « la rénovation du code pénal et du code de procédure pénale » (Discours de Madame Rachida DATI du 14 octobre 2008).
Quatre orientations ont alors été données par le Garde des Sceaux.
- Il s’agit dans un premier temps d’oeuvrer dans le sens d’un renforcement de la clarté, de la lisibilité et de la cohérence des dispositions du code pénal notamment s’agissant des incriminations et de leur répression, tenant l’inflation législative actuelle, la dispersion des textes incriminateurs et l’existence de régime de répression disparates pour des infractions souvent voisines.
- Il s’agit ensuite d’utiliser les moyens de lutte adéquats et par là même efficaces contre la récidive et plus généralement la délinquance en envisageant si besoin est de repenser la compétence d’intervention des officiers de police judiciaire sur un plan national et d’assouplir les règles relatives aux procédures de perquisition.
- En parallèle et pour contrebalancer ce surcroît de pouvoirs attribué aux acteurs de la constatation des infractions et de la recherche des auteurs, il est envisagé de renforcer les droits de la défense notamment en uniformisant les régimes de garanties pour certaines mesures telles que la garde à vue.
- Enfin, la réforme de la procédure pénale ne peut s’entendre sans une meilleur prise en charge des victimes et une meilleur prise en compte de leurs droits.
C’est ainsi que la Commission LEGER s’est dans les premières semaines penchée sur la rénovation de la procédure pénale au prisme des orientations données par le Grade des Sceaux.
C’est également dans ce contexte qu’est intervenue au mois de janvier 2009 la déclaration du Président de la République sur le teneur et les objectifs de cette réforme.
L’institution de cette commission visant clairement à repenser la procédure pénale au prisme d’une modernité, d’une simplicité et d’un équilibre toujours recherchés a effectivement été relayée lors de l’audience solennelle de la Cour de cassation du 7 janvier 2009 par le discours du Président de la République qui a annoncé un des objectifs primordiaux de réforme de la procédure pénale française qui devaient être poursuivis par ladite Commission : la suppression du juge d’instruction.
Le projet de supprimer le juge d’instruction n’est pas en soi surprenant tant les secousses de « l’affaire d’outreau » et du juge Burgaud ont conduit à de multiples reprises à s’interroger sur le maintien de ce magistrat au sein du système procédural français.
La loi du 5 mars 2007 a d’ailleurs considérablement œuvré dans le sens d’un allègement de la charge des prérogatives de magistrats instructeurs avec la création de véritables pôles d’instruction, ceux-ci prenant leur plein effet s’agissant de dossiers les plus lourds et les plus graves.
Un journaliste anglais manifestement parfaitement ignorant du fonctionnement du système français s’était, il y a déjà une dizaine d’années, insurgé sur l’existence du juge d’instruction qu’il n’avait appréhendé qu’au prisme à l’époque de son pouvoir qu’il était seul à détenir de placement en détention provisoire. « Afin d’obtenir des aveux le juge d’instruction peut emprisonner le suspect pendant des mois voire des années sans procès. Le système français descend en droite ligne de l’Inquisition médiévale » (D. LAWDAY, cf Courrie International, n°452, 1/7/99).
Jean PRADEL, dans son ouvrage de « Droit pénal Comparé » s’exprimait pourtant différemment en 2002 « on fera les remarques suivantes. Il apparaît dangereux de changer totalement de système car l’Inquisition et l’Accusation s’insèrent dans une tradition, une culture juridique. Les Italiens qui en 1989 avaient supprimé le juge d’instruction ont rapidement ressenti les défauts du nouveau système et consacré en 1992 un système du procureur instructeur ». (J. PRADEL, Droit pénal comparé, Dalloz, 2002)
S’il est décidé définitivement qu’elle doit être opérée, la modification se fera donc non sans mal.
Ce qui est certain c’est qu’une telle réforme d’envergure ne peut s’opérer qu’au travers d’un remodèlement intégral de la procédure pénale au risque dans l’hypothèse inverse de voir bafoué le principe de l’égalité des armes.
C’est dans cette optique que le Président de la République avait expressément indiqué, concomitamment à l’annonce du projet de suppression du magistrat instructeur qu’il était favorable à une audience publique, sur les charges, à une audience collégiale publique en matière dé détention provisoire, à la création d’un véritable « habeas corpus à la française » qui passera nécessairement par une présentation devant un magistrat du siège, à la présence dès les premiers moments de la procédure de l’avocat dans un processus consacré par le principe du contradictoire.
Face à cet objectif de bouleversement total de la procédure pénale actuelle, le Conseil National des Barreaux n’est pas resté inactif et a adressé ses 42 propositions de modification du code de procédure pénale telles qu’issues des Etats généraux de la Justice pénale du 6 avril 2006.
A l’évidence « la supression du juge d’instruction ne peut se concevoir qu’à la condition de s’inscrire dans une réforme d’ensemble de la justice […] et prévoyant :
- un débat contradictoire pour ce qui ne fait pas l’objet d’une instruction et donc :
- l’accès au dossier dès le début de la garde à vue et la possibilité pour l’avocat de solliciter des actes pendant la garde à vue, sous le contrôle d’un juge du siège
- l’enregistrement audiovisuel de toutes les gardes à vue, et pas seulement dans les affaires criminelles
- la création d’un statut du mis en cause
- des garanties d’indépendance sur la nomination des procureurs identiques à celles du siège
- le placement de la police judiciaire sous le réel contrôle du Parquet indépendant
- la consitution de partie civile toujours possibile
- la réforme de l’ENM
- la réforme du CSM ».
Le 9 mars 2009, la Commission de réflexion sur la justice pénale a remis au Garde des Sceaux un rapport d’étape sur la phase préparatoire du procès pénal, le rapport définitif devant être déposé prochainement.
Il ressort de ce rapport intermédiaire un constat visant à aboutir in fine à la suppression définitive du juge d’instruction estimant que cette institution n’est désormais plus adaptée « à notre temps en ce qu’elle n’améliore ni l’efficacité de l’enquête, ni la protection des droits fondamentaux des mis en cause et des victimes ».
La suppression du juge d’instruction permettrait alors d’unifier la phase préparatoire en confiant au Ministère Public la double fonction de directeur d’enquête et d’autorité de poursuite.
L’enquête serait donc désormais entièrement confiée au Parquet sans que pour autant son statut ne soit modifié, et ce indifféremment de la récente décision rendue par la Cour européenne des droits de l’homme sur ce point.
Les contrepoids aux pouvoirs exorbitants conférés à ce magistrat dépendant inexorablement du pouvoir exécutif résideraient principalement dans la création du juge de l’enquête et des libertés qui serait doté de pouvoirs importants pour contrôler, à l’instar du JLD actuel, les mesures attentatoires aux libertés individuelles pouvant être prises au cours de l’enquête et pour s’assurer des droits des parties durant cette phase préparatoire au procès pénal.
Ces palliatifs demeurent donc manifestement insuffisants et il est fort à regretter que non seulement une réflexion d’ensemble ne soit pour l’heure nullement menée sur une refonte du statut du Parquet et qu’en outre, la Commission se soit sur nombre de points particulièrement affranchie des pistes données lors de l’audience solennelle par le Président de la République et qui visaient à respecter cet équilibre fragile et pourtant indispensable que la procédure pénale se doit impérativement de concilier entre la sûreté et la liberté individuelle.
Il ne reste plus désormais qu’à attendre le rapport définitif de cette commission de réflexion dont il y a fort à penser qu’indépendamment de l’accueil mitigé qui a pu être réservé au rapport intermédiaire qu’il ne sera que le prolongement du précédent.
Cet article n'engage que son auteur.
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